La nuit est à nous [Kathryn]

La nuit est descendue sur Dublin, le vent effleure mon visage aux traits durs, je marche à pas décidé vers mon lieu de chasse favori. En effet, je chasse. Cela fait bien longtemps que je n’ai plus eu une véritable relation. Pour tout dire, cela ne m’est arrivé que deux fois. La première fois c’est quand j’avais neuf ans. Elle s’appelait Marie. Dès qu’on s’est rencontré, nous étions inséparables et c’était ma meilleure amie. Nous somme restés amoureux pendant un an. Enfin, trèves d’infanteries. La deuxième fois, c’était quand j’avais environ dix-huit ans, Lexia Henley-MacNeil. Une femme d’une beauté à vous couper le souffle et un caractère incroyable. Devant elle, je n’ai pu que tomber sous le charme. Mais cela faisait longtemps que nous avions rompu…
Désormais je me consacrais à garder ma réputation de Don Juan et à vivre la vie type du parfait étudiant. Brillant, intelligent, beau garçon, … J’avais tout pour être heureux. Je comptais bien continuer à mener ma jolie petite routine. Ainsi, vêtu d’un jeans et d’une chemise blanche, je me dirigeais à pas décidés vers le Sugar NightClub. Poussant la porte avec force, je rentrais dans la boîte de tous les plaisirs. La musique vibra directement en moi et je fus plongé dans l’ambiance. Les filles me jetaient des regards convoiteurs et je leur lance des sourires en coin, sachant que cette mimique était irrésistible. Certaines viennent pour m’aborder mais aucune ne me paraît satisfaisante jusqu’à présent. Ma marche dégage un charisme impressionnant et j’en suis parfaitement conscient. Je traverse la piste de danse à pas dansants et j’arrive finalement au bar, m’y accoudant. Levant une main paresseuse, le barman s’approche de moi avec un sourire complice.

- Une vodka rouge, s’il te plaît.
- Je t’apporte ça tout de suite, Ben.

Etant souvent présent dans cette boîte, Dan avait pour habitude de me voir accrocher à son bar, du coup une certaine familiarité s’était installé entre nous. Daniel revint rapidement et déposa un verre épais remplis de glaçons et d’un liquide rouge.

- Celui-là est pour moi.

Ravi, je lève mon verre à sa santé et en boit une grande gorgée, la boisson me réchauffant la gorge. Un sourire s’affiche sur mes lèvres mais il s’efface rapidement. C’est rare quand je souris plus de deux secondes, les filles aiment ce côté impassible et énigmatique. Je me mets dos au bar cette fois-ci, mon verre à la main, afin d’élargir mon champs de vision. Je fais une moue boudeuse en remarquant que la soirée est déjà bien entamée et que la plupart des jolies demoiselles ont déjà bien bu. Et je n’avais aucune envie de flirter avec une bourrée, car dans ce cas soit je me retrouvais avec une qui rigole beaucoup trop soit avec une qui se transforme en pleurnicharde. Je suis difficile et il le faut bien si je veux que ma soirée soit réussie.
Avec un soupir, je m’accoude une fois de plus au bar. Mon regard s’illumine lorsque j’aperçois une jeune femme grande, aux jambes longues et à la taille fine. A pas lents, je m’approche d’elle, admirant sa longue chevelure blonde.

- Bonsoir.

Je lui adresse mon sourire en coin et avec un sourcil levé je lui demande.

- Je peux vous offrir un verre ? Ou alors préférez-vous vous contenter simplement de ma compagnie ?

M’asseyant sur une chaise haute, je la détaille du regard, observant ses grands yeux. Parfait. J’ai enfin trouvé de la compagnie.

Soirée. Dodo. Faculté. Re-soirée. Voilà à quoi se résumait mon quotidien. J’étais belle maintenant, j’étais huppée et pourtant, je ne pouvais m’empêcher de déprimer. De me dire que j’étais mieux avant. J’étais une fille banale, qui passait inaperçue mais je m’aimais comme j’étais. Maintenant, je n’étais qu’une pâle copie de moi-même, un vague renouveau, une envie de disparaitre. Je n’étais rien. Ils étaient tout. Je sentais que j’allais me faire bouffer par cette population. Je sentais que j’allais bientôt sombrer. Bientôt une inauguration d’une boite de nuit, je serai là, à faire des sourires tandis que tout le monde me regarderait et me dévisagerait. M’enviant, faisant comme ci j’étais une star tout ça parce que mon nom de famille était « O’Grady ». Quand on était née dans une ville où la mafia irlandaise avait pour nom « O’Grady » toutes les portes nous étaient ouvertes. Je n’en pouvais plus de tous ses privilèges. Versace, Louis Vuitton… Ce soir, j’allais sortir encore mais uniquement en tant que Kathryn ou Kat’. Je me ferai passer pour une fille gentille et volontaire et non comme Mysterious Ways, les potins ça allait bien cinq minutes.

Positionnée devant mon Mac, je lisais mes mails. Rien de bien intéressant. Lexia vivait mal sa grossesse – la pauvre chérie – et en voulait à Apollon. Tristan était toujours aussi insupportable. Ludwig pleurait toujours sur le pseudo cadavre de Valentin tandis qu’Alice draguait tout ce qui bougeait. Les gens sont d’un ennui. Cela en devenait lassant. Lentement, je me levai et me dirigeai vers mon dressing. Il était immense et peuplé de robes, pantalons en tout genre etc. Je pris la première chose qui me vint sous la main et décidai de me l’enfiler histoire de ne pas partir complètement nue dans un bar ou une boite de nuit. Elle était très jolie, et heureusement vu le prix qu’elle coutait. Ensuite, je peignis mes longs cheveux blonds doré pour avoir l’air inaccessible. Ensuite, je pris mon sac, mon iPhone et tout le barda pour aller flâner dans les rues de Dublin.

La ville était animée comme tous les soirs. Les jeunes sortaient en couple et je constatai à quel point sortir en solo me pesait. Mais les gens pensaient que je n’étais qu’une biatch sans défense ou alors une garce impitoyable. Le vent vint ébouriffer mes cheveux et je vis qu’il y avait la queue devant le Sugar. J’aimais bien ce club, c’était rempli de pétasses en tout genre, de dom juan pitoyables qui voulait draguer tout ce qui bouge mais j’avais envie de danser donc… j’entrai. Le videur qui était un habitué me reconnut et je lui souris. Fais attention mec, c’est rare en ce moment sur le visage de Kat’.
Les adolescents étaient dans les escaliers et bouchaient l’accessibilité au bar. Bande de crétins. Plusieurs garçons me reluquèrent et je m’en fichai éperdument. L’un d’eux me mit cependant la main aux fesses et je me retournai pour le détailler. Petit, à mèche, j’explosai de rires.

- Chéri, lui dis-je sur un ton glacial, la prochaine fois que tu me touches, tu finiras à l’hôpital.

Le gamin marmonna quelque chose et je lui lançai un regard affligé. La mentalité des jeunes de nos jours n’étaient vraiment pas haute. Une fois au bar, je commandai un cosmopolitain au bar. J’avais soif, il faisait une chaleur étouffante dans ce bar et je regardai les environs. Quelques mecs étaient accoudés au comptoir et mataient les nanas qui dansaient sur la piste comme de véritables salopes tandis que le reste semblait vouloir se noyer dans leur verre. Je me mis à rire et apportai mon verre à ma bouche quand soudain quelqu’un me dérangea. Que voulait-il celui-là ?

Je me retournai en vitesse et le regardai. Grand, brun, au regard mystérieux… ATTENTION ATTENTION DOM JUAN EN APPROCHE ! J’aimais bien comment il était habillé et je savais que je pourrais toujours me laisser draguer. « Vous offrir un verre ? » Chéri, j’ai plus de chance de pouvoir me payer le comptoir que toi de m’offrir un verre. Il pensait quoi lui ? Que de m’offrir un verre allait me conduire tout droit dans son lit. Je faillis exploser de rire mais il était si poli que je m’en gardais bien. Passant une main dans mes cheveux, je bus une autre gorgée avant de répondre calmement.

- Tout dépend pourquoi vous êtes là monsieur. Si c’est pour me mettre dans votre lit, je pense que vous êtes tombé sur un plus gros poisson que les vulgaires pétasses qu’il y a sur la piste de danse. Si c’est juste pour ne pas vous ennuyer, vous pouvez rester et me compter vos malheurs. J’ai du temps à perdre.

Satisfaite de ma réponse, je le contemple à nouveau avant de lui adresser un petit sourire du style « tu veux jouer parfait, je suis joueuse aussi. Tu fais la souris et je fais le chat ? ». Je remarquai soudain que plusieurs filles se battaient sur la piste de danse et porta toute mon attention sur ses pitoyables créatures. Nom de dieu ! Allez-vous crêper le chignon dehors avant que je ne m’énerve. J’en avais assez de tout cela. Pitoyable, pitoyable. Je reportai mon attention sur le type et j’étais certaine que sa tête me disait quelque chose. Je le connaissais. C’était le type qui s’était fait largué par Lexia ou l’inverse. Je crois que Georges était dans l’affaire. Mais c’est quoi son petit nom ? Paul ? Non ! Benjamin ? Oui. Benjamin Waldom. J’avais fait un article sur ce mec. Voilà qui devenait intéressant.